Logo CeCaB

Résumé des communications du colloque
"Cuisiner au château"

Sous la direction de Jean Mesqui, Hervé Mouillebouche,
Christian Rémy et Delphine Gautier

9e colloque international du CeCaB, 20 au 22 octobre 2023

Programme du neuvième colloque international du CeCaB « Cuisiner au château »
Photos du colloque
Textes des résumés en format pdf.

vendredi 20 octobre

  • Aurélie Chantran - Quelle cuisine ? Les usages culinaires sur les sites castraux à travers les vestiges matériels.
  • Jean Mesqui - Cuisine et boulangerie dans les châteaux des hospitaliers au Proche-Orient.
  • Danièle Alexandre-Bidon - Cuisine et cuisiner au château. Un apport (inattendu ?) de l'enluminure (xiie-xvie siècle).
  • Donatien Guegan - De l'ostel au chastel, contrastes de l'équipement entre les cuisines communes et les cuisines castrales en France septentrionale (xiiie-xve siècle)
  • Bertrand Haquette - Pays de Cocagne : que concocte-t-on dans les cuisines des châteaux princiers d'Artois à la fin du Moyen Âge ?

Samedi 21 octobre

  • Sophie Liegard - La cuisine de la villa carolingienne de Souvigny (Allier).
  • Bénédicte Guillot, Stéphanie Dervin - Les premières cuisines du château de Caen. Une relecture des données anciennes.
  • Loïc Benoit, Laurie Flottes, Amélie Lefebvre de Rieux - Un complexe culinaire au château de Clermont (xiie-xve siiècle, Haute-Savoie) : organisation, architecture et consommation.
  • Jean-Jacques Schwien - Cuisiner au château, quelles traces archéologiques ? Le cas de la Franche-Comté.
  • Karine Vincent, Aurélia Borvon - Le château ducal de Suscinio (Morbihan). Les marqueurs archéologiques d'une cuisine castrale : méthodologie, dialogue croisé et analyse.
  • Teddy Bethus - Étude comparative de deux cuisines : les cas du château de Talmont-Saint-Hilaire et de l'hôtellerie de l'abbaye de Maillezais (xiie-xiiie siècles).
  • Alain Kersuzan- Les deux cuisines des grands châteaux savoyards. Les exemples de Pont-d'Ain et de Saint-Germain.
  • Christophe Amiot - Cuisines et arrières cuisines du Finistère.
  • Benoît Clavel, François Blary - Cuisiner dans les grandes cuisines de Château-Thierry à la fin du xve siècle : l'apport des restes alimentaires des derniers repas réalisés dans ce cadre de prestige
  • Jean Mesqui, Hervé Mouillebouche - Les cuisines des châteaux ducaux de Bourgogne au temps des Valois, d'après la comptabilité.
  • Étienne Lallau - Les cuisines à cheminées de plan centré : évolution d'un modèle depuis les cuisines monastiques romanes jusqu'aux grands cuisines princières du xve siècle.

Dimanche 22 octobre

  • Christofer Herrmann - La grande cuisine du palais du grand maître au château teutonique de Marienburg (Pologne).
  • Yann Morel - Au seuil de la grande salle : recherche sur la « cuisine du dressoir » dans les résidences des ducs de Bourgogne.
  • Michel Fourny - La cuisine sous la grand salle du palais de Philippe le Bon à Bruxelles.
  • Frieder Leipold - À quoi ressemblait une cuisine de château dans les anciens Pays-Bas du xvie siècle ? La cuisine du château d’Arenberg à Heverlee
  • Alain Salamagne - Les lieux pour la bouche dans les châteaux des xve et xvie siècles.
  • Hervé Mouillebouche - Les espaces culinaires du logis du roi à Dijon au xviiie siècle.
  • Nicolas Faucherre - Conclusion.

 

Photos : Sylvette Guyonnot / Marie Crinquant

VENDREDI 20 OCTOBRE

aurélie ChantranAurélie Chantran (UMR 70412 ArScAn)

Quelle cuisine ?
Les usages culinaires sur les sites castraux à travers les vestiges matériels

 

Cl. Marie C. G

   Grâce à l’étude des textes et des vestiges archéo-logiques, en particulier l’archéozoologie et l’archéo-botanique, on connaît de mieux en mieux les aliments consommés spécifiquement sur les sites castraux. Les différentes recherches montrent parfois une nette différence entre l’alimentation des élites de celle des autres types de contextes médiévaux. Cependant, la façon de préparer ces mets et les équipements utilisés dans ce but, qui ne font pas partie d’une spécialité de l’archéologie, sont moins bien connus. Les recueils de recette, écrits à partir des environs de 1300 en France, nous renseignent en partie sur cette cuisine des élites. Mais quels indices matériels permettent-ils de connaître concrètement les modes de transformation des ali-ments ? Correspondent-ils à ce que les écrits relatent ?
  Ces éléments matériels correspondent-ils à une cuisine castrale spécifique ou y retrouve-t-on certains traits communs à d’autres types de contextes ? Pour répondre à ces questions, j’abor-derai dans cette communication certains des éléments de ma recherche de thèse sur l’évolution des pratiques culinaires au bas Moyen Âge dans le nord de la France. En croisant des données issues des structures archéo-logiques, de l’étude des traces de cuisson sur la vaisselle culinaires, des vestiges animaux et des micro-restes végétaux piégés dans les céramiques, il est possible de définir les spécificités de la cuisine castrale. Elle s’exprime à travers les équipements disponibles, la place de la cuisine tant matérielle que symbolique et les modes de cuisson utilisés.

Jean MesquiJean Mesqui (Docteur es lettres, UMR 6223 CESCM Poitiers)

Cuisines et boulangerie dans les châteaux des hospitaliers au Proche-Orient

 

   Durant les dernières décennies, la réalisation de fouilles de grande ampleur dans les grandes forteresses, en Israël et dans une moindre mesure en Syrie, ont permis la mise au jour d’élévation signi-ficatives de structures maçonnées destinées à la vie quotidienne dans ces édifices ; malgré l’absence de publications exhaustives, l’examen de ces structures permet des constatations extrêmement intéressantes, qui renouvellent la connaissance intime de ces forte-resses.
On se concentrera, dans la présente conférence, sur les restes mis au jour pour l’essentiel dans des châteaux de l’ordre des Hospitaliers (Bethgibelin, Belvoir, Arsur en Israël, Margat en Syrie), qui ont révélé le plus d’éléments. La description sommaire de chacun d’entre eux nous permettra de tirer quelques conclusions sur les habitudes culinaires, en croisant l’architecture avec les textes.

Danièle Alexandre-BidonDanière Alexandre-Bidon (EHESS-Paris / CRAHAM)

Cuisine et cuisiner au château. Un apport (inattendu ?) de l'enluminure (xiie-xvie siècle)

 

Cl. Marie C. G

   Plus souvent sollicitée pour traiter de la construction, de l’architecture, de la poliorcétique et de la guerre, l’iconographie du château ouvre de manière inattendue sur un aspect de la vie quotidienne apprécié des puissants, la cuisine. Répondant au goût de l’aristocratie pour le paraître, qui s’exprime jusque dans l’apparat des repas, les enlumineurs ne se contentent pas de figurer le déroulement des banquets tenus dans la grande salle : ils vont jusqu’à descendre en cuisine. Ils connaissent bien les lieux : leur métier requiert d’eux qu’ils s’y rendent pour colorer les mets et peindre les entremets. C’est pourquoi, depuis le xiie siècle, ils n’ont aucun scrupule à faire de la peinture « alimentaire » : ils inventent des procédés visuels pour mettre en évidence ce lieu de création qu’est la cuisine, par exemple la vue en coupe d’un donjon, et offrent des focales sur la cheminée où l’on cuit aliments comme médicaments et dont la présence est de règle, au xve siècle, dans les romans de chevalerie comme dans les livres de simples médecines.
Ils ne manquent que rarement de signaler ce « foyer » artistique quand ils dessinent un portrait de château ou de maison forte : la présence d’une cheminée spécifique, à coupole, à évents, ou d’un four dans lequel cuisaient non seulement les pains, mais aussi les pâtés, montre que les possesseurs de châteaux commanditaires de manuscrits pouvaient s’enorgueillir de ce symbole de l’économie domestique et de l’aisance seigneuriale. Cet intérêt pour un local technique au service du pouvoir s’exprime aussi dans la représentation du va-et-vient des serviteurs entre aula et cuisine, grâce à l’image du passe-plat devenue de règle au xve siècle, et sur l’utilisation, comme foyer culinaire secon-daire, des cheminées dans les appartements, féminins notamment.

Donatien GueganDonatien Guegan (doctorant, CRM, UMR 8596)

De l’ostel au chastel, contrastes de l’équipement entre les cuisines communes et les cuisines castrales en France septentrionale (xiiie-xve siècle)

 

   Derrière l'opulence des mets offerts aux hôtes de la noblesse au cours des réceptions ou lors des dîners seigneuriaux au quotidien se cachent des cuisines castrales où s'affairent nombre de domestiques. Mais la cuisine fait-elle le mets ou est-ce le cuisinier? En quoi la cuisine castrale se détache-t-elle des cuisines plus communes que l'on peut trouver chez le paysan ou le bourgeois des bonnes villes?
La nécessité de recevoir en nombre a sans doute une influence sur les quantités des objets courants, mais qu'en est-il des qualités ou des ustensiles spécialisés? Peut-on distinguer à coup sûr dans l'iconographie ou les sources textuelles une cuisine castrale de la cuisine rurale ou urbaine? Dans un cas comme dans l'autre, cela en dira beaucoup sur les caractéristiques de la cuisine castrale, à travers une réflexion méthodo-logique sur les trois types de sources (archéologie, iconographie et sources écrites).

Bertrand HaquetteBertrand Haquette (Docteur en histoire, UMR 8529 IRHIS)

Pays de Cocagne : que concocte-t-on dans les cuisines des châteaux princiers de l'Artois à la fin du Moyen Âge ?

 

Cl. Marie C. G

La cuisine castrale artésienne est une pièce obscure, mais l'endroit résonne des bruits de poêles en fer, des casseroles de cuivre, des marmites d'airain et de tourne-broches qui s'activent dans des âtres parfois conséquents. À partir des sources comptables (quittances, écroues, comptes de travaux, comptes de bailliage), se dévoile la cuisine des châteaux d'Arras, Hesdin, Calais, mais aussi de Chocques, La Buissière, Béthune, Aire-sur-la-Lys, Gosnay.
Si la pièce en elle-même obéit à des standards, la cuisine qu'on y produit varie beaucoup au gré des saisons, des mets parfois improbables, mais encore plus des occasions, qu'il s'agisse d'une cuisine de guerre (sièges) ou festive et princière : « le premier des luxes ». Et on y rencontre un personnel soudain nombreux ou des visiteurs inattendus, tels la duchesse de Bourgogne, qui ne laisse à personne le soin de superviser l'élaboration des potages du jeune Charles le Téméraire à Aire. Quand cuisine et politique se rejoignent...

SAMEDI 21 OCTOBRE MATIN

Sophie LiegardSophie Liegard (Ciham / UMR 5648)

La cuisine de la villa carolingienne de Souvigny (Allier)

 

Dans le cadre des travaux de réaménagement du centre ancien de Souvigny (Allier), la campagne de fouille préventive conduite en 2009 sur la place A. Briand a entraîné la découverte des vestiges d’un bâtiment en matériaux périssables relativement bien conservés. Hormis les trous de poteau et tranchées d’implantation de probables sablieres basses, la fouille a révélé la présence de plusieurs sols en terre successifs associés à de grandes soles foyères en argile.
La datation de ces vestiges, leur nature, ainsi que celle du mobilier, de la faune et des carpo-restes mis au jour, conduisent à interpréter cet espace comme la cuisine de la curtis de la villa de Sylviniacum. Ce bâtiment, localisé dans la partie occidentale de l’établissement, à proximité de l’enceinte et d’une probable mare, constitue un exemple remarquable de cuisine en lien direct avec un contexte élitaire carolingien attesté textuellement (charte de donation du début du xe siècle).

Bénédicte GuillotBénédicte Guillot (INRAP, UMR 6273, CRAHAM)
Stéphanie Dervin (INRAP, UMR 6273, CRAHAM)

Les premières cuisines du château de Caen. Une relecture des données anciennes.

 

Cl. Marie C. G

Entre 1956 et, pour l’essentiel, 1966, le donjon du château de Caen a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouille par M. de Boüard. Immédiatement à l'est de la tour maîtresse construite au début du xiie siècle, des espaces dédiés à la préparation des repas ont été découverts. Les structures se composent d'abord d'un four, puis de plusieurs foyers dont un de plan carré situé au centre de la pièce identifiée comme une cuisine. D'autres espaces ont été interprétés comme des silos et des caves servant de réserves.
La documentation très abondante issue de ces fouilles, comprenant notes, plans, photographies et mobilier, permet aujourd'hui de reprendre ces données et d'étudier comment les ducs de Normandie ont aménagé l'espace dans leur domaine palatial.
Une comparaison avec les cuisines castrales fouillées depuis les années 1990 permettra de proposer une restitution et une interprétation de ces aménagements et de leur évolution durant les premiers siècles d'occupation du château.

Benoit, Flottes, LefebvreLoïc Benoit (archéologue, service archéologie et patrimoine bâti de Haute-Savoie, CIHAM-UMR 5648)
Laurie Flotte (Carpologue, archéodunum)
Amélie Lefebvre de Rieux (archéozoologue, chercheuse indépendante)

Un complexe culinaire au château de Clermont (xiie-xve siècle, Haute-Savoie) : organisation, architecture et consommation.

 

   Édifice élitaire attesté dès le xiie siècle, le château de Clermont devient l’une des résidences privilégiées des comtes de Genève entre les xiiie et xive siècles avant de perdre vivement en intérêt suite au rachat du Genevois par la Savoie au début du xve siècle. Les recherches menées sur ce site depuis 2017 ont permis la découverte d’un grand complexe culinaire composé d’une cuisine, d’un cellier, d’un chai, d’un pressoir ainsi que de structures d’assainissement.
Les vestiges témoignent ainsi de l’organisation et des usages de cet espace durant le bas Moyen Âge. À cet ensemble architectural s’ajoutent les données issues des études archéo-zoologique et carpologique réalisées sur le site, nous permettant de dresser un portrait des plus complets sur les pratiques et habitudes alimentaires. Cette approche pluridisci-plinaire permet ainsi d’approcher l’objet « cuisine » dans son ensemble, de la structure aux préparations alimentaires.

Jean-Jacques SchwienJean-Jacques Schwien (McF archéologie médiévale, université de Strasbourg, UMR 7044 Archimède)

Cuisiner au château, quelles traces archéologiques ?
Le cas de la Franche-Comté

 

Cl. Marie C. G

 

Les murs de nos ruines castrales, avec leurs fenêtres, portes et cheminées, ne livrent pas facilement des pistes assurées sur les fonctions précises des volumes habités. De même, les fouilles mettent au jour un mille-feuille de restes d'occupation, mêlant données architecturales et mobilières issues de divers étages, périodes et remblaiements, à partir duquel la gymnastique stratigraphique ne permet pas toujours de recomposer les espaces d'origine. Quand on manque de textes, ce qui est le plus souvent le cas, on peine au total à définir l'organisation des espaces dans les châteaux ruinés.
Pour répondre aux questions de ce colloque sur le « cuisiner au château », il convient donc d'établir d'abord une liste des vestiges servant de marqueur d'une fonction potentielle de cuisine. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les observations en cours déjà faites dans quatre sites franc-comtois pour les années 1400-1600. Nous évoquerons les foyers, les sols, la volumétrie, l'emplacement entre salle à manger et réserves (de bois, d'eau, d'aliments), le mobilier culinaire, les poubelles.
 

Karine Vincent, Aurélia BorvonKarine Vincent (archéologue départementale, UMR 6273 CRAHAM)
Aurélia Borvon (archéozoologue, UMR 7041 ArScAn)

Le château ducal de Suscinio (Bretagne, 56 Sarzeau).
Les marqueurs archéologiques d’une cuisine castrale 
méthodologie, dialogue croisé et analyse

Cl. Marie C. G

Depuis 2013, le château ducal de Suscinio (Sarzeau, 56) fait l’objet d’un programme de recherche archéologique. Les campagnes de fouille successives ont permis de découvrir le logis princier construit au milieu du xiiie siècle qui était entièrement tombé dans l’oubli depuis sa destruction au début du xvie siècle. Si aujourd’hui il est possible d’affirmer qu’une grande cuisine occupait près d’un tiers du rez-de-chaussée, les arguments pour aboutir à cette confirmation ont dû d’abord être éprouvés par un dialogue continu entre l’archéologue et les spécialistes. Parmi ces derniers, le rôle de l’archéozoologue s’est avéré primordial.
L’analyse fine des restes fauniques (dépotoirs, rejets, aire de préparation culinaire, etc.) représentait effectivement un moyen privilégié pour identifier les activités réalisées au sein de cet espace. Au terme des campagnes de fouille, il est donc possible de dresser à la fois l’inventaire de l’équipement d’une cuisine et d’en mesurer les évolutions, mais aussi de faire résonner le fonctionnement de celle-ci avec les autres espaces du château (cellier, escaliers de service, salle, cour, parcs...) Au final, lorsque les textes sont muets et que les éléments tangibles manquent (notamment les cheminées, fours, lavabo), comment identifier les marqueurs archéologiques d’une cuisine castrale ?

SAMEDI 21 OCTOBRE APRES MIDI

Teddy BethusTeddy Bethus (INRAP, UMR 7302)

Étude comparative de deux cuisines : les cas du château de Talmont-Saint-Hilaire et de l’hôtellerie de l’abbaye de Maillezais (xiie-xiiie siècle)

 

Cl. Marie C. G

Deux fouilles ont permis ces dernières années d’étudier dans une même région, le Bas Poitou (Vendée), l’organisation de deux cuisines médiévales. La première concernait le vaste rez-de-chaussée du bâtiment nord du château de Talmont-Saint-Hilaire, sans cesse remanié depuis le xie siècle et à l’étage duquel était aménagée une grande salle. La seconde portait sur les cuisines d’une hôtellerie construite dans le second quart du xiiie siècle à l’abbaye de Maillezais pour l’accueil des élites aristocratiques, laïque et religieuse. Son analyse a révélé une cuisine à l’architecture complexe, organisée autour d’une hotte pyramidale et occupant une place centrale au cœur de l’hôtellerie, à l’interface de plusieurs salles réparties dans deux bâtiments jointifs.
Dans les deux cas, l’approche comportait une étude des archives écrites, la fouille des vestiges sédimentaires, dont une quantité importante de mobilier céramique et faunique, et une étude d’archéologie du bâti. La communication proposée dans le cadre de ce colloque sera l’occasion de comparer les résultats de ces deux opérations en s’intéressant tout particulièrement à l’organisation de ces espaces culinaires et à leurs relations avec les espaces résidentiels. Elle permettra également de s’interroger sur les points communs ou divergences entre les cuisines castrales et celles des communautés religieuses et enfin, plus largement, sur les pratiques alimentaires des élites aristocratiques et leurs éventuelles variations selon les sites de consommation.

alain KersuzanAlain Kersuzan (CIHAM, UMR 5648)

Les deux cuisines des grands châteaux savoyards. Les exemples de Pont-d’Ain et de Saint-Germain

 

Cl. Marie C. G

Au Moyen Âge, les grands châteaux savoyards étaient tous équipés de deux cuisines. L’une pour le prince, l’autre pour la garnison. Elles ne se trouvaient évidemment pas à proximité l’une de l’autre. Celle du seigneur se situait dans la haute cour, non loin de la grande salle, voire dans celle-ci, tandis que celle réservée aux clients était installée dans la basse-cour. Leur implantation respective alliait systématiquement la proximité d’un point d’eau (puits et/ou citerne) avec, pour celle de la garnison, l’accolement ou la mitoyenneté des écuries et de la forge (praticité et sécurité obligent). Ce ne sont pas les seules différences entre ces deux cuisines. Celle du prince était le plus souvent fermée et laissée en l’état après son départ, l’autre fonctionnait quotidiennement.
Par les textes surtout, mais aussi par l’archéologie, la communication s’efforcera de montrer les particularités de chacune de ces cuisines tant par leur position géographique, utilitaire et sécuritaire dans le château que par leurs fonctionnements. Deux châteaux : Pont-d’Ain et Saint-Germain d’Ambérieu, très bien documentés et pour partie fouillés serviront d’exemples principaux auxquels seront ajoutés des remarques venant d’autres sites comme Jasseron, Treffort, Bagé, Bourg-en-Bresse.
 
 

Christophe AmiotChristophe Amiot (ACMH, docteur en histoire)

Cuisines et arrières cuisines du Finistère

 

Cl. Marie C. G

  Ce colloque va offrir l'opportunité de tenter une première synthèse sur la cuisine dans les manoirs et les châteaux bretons, centrée autour des xve et xvie siècles. La position de la cuisine dans la distribution des édifices, notamment par rapport à la salle avec laquelle elle est le plus souvent en lien direct, constituera un premier axe de recherche.
Les aménagements propres à la cuisine constitueront un second axe avec les pièces annexes qui lui sont liées et les équipements parfois surprenant dont elles sont dotées.

Benoit Clavel, François BlaryBenoît Clavel (Archéozoologue, CNRS-MNHN)
François Blary (Université libre de Bruxelles, CReA-Patrimoine)

Cuisiner dans les grandes cuisines de Château-Thierry à la fin du xve siècle : l’apport de l’étude des restes alimentaires… des derniers repas réalisés dans ce cadre prestigieux

Cl. Marie C. G

  La redécouverte archéologique des grandes cuisines du château comtal et royal de Château-Thierry en Champagne a constitué une étape importante dans la reprise d’intérêt pour la recherche sur ces structures castrales de la fin du Moyen Âge. Les témoignages des différents matériels osseux (plus de 17 000 os et dents) retrouvés dans le comblement des latrines des grandes cuisines du château de Château-Thierry à la fin du xve siècle jouent un rôle déterminant dans la compréhension de l’usage de ces imposantes structures culinaires. L’étude archéozoologique de cet ensemble imposant de restes fauniques est désormais achevée. L’examen de ces restes vient ainsi compléter ceux déjà réalisés de cet imposant complexe culinaire champenois.
   Dans cette histoire, les os ont partie liée avec les ustensiles céramiques ou autres ainsi que les différents espaces de la cuisine qui leur servent d’écrin. Les os semblent avoir gardé certains stigmates de quelques pratiques gastronomiques qui restent cependant difficile à interpréter. L’analyse montre néanmoins qu’il s’agit pour l’essentiel de rejets de préparations culinaires. Les restes osseux, extrêmement diversifiés des viandes et des poissons, retrouvés dans ces contextes s’apparentent aux parties les moins charnues alors que les parties apportant le plus de viande sont moins présents dans l’inventaire archéologique. Le morcellement des ossements indique une découpe intensive et savante lors de la préparation des plats cuisinés.
  Ce dernier volet de l’étude des cuisines castrothéodoriciennes contribue ainsi à illustrer de manière concrète le rôle et l’importance prise dans ce contexte aristocratique de l’alimentation carnée, tant par son abondance, sa diversité, sa qualité et ses formes de préparation, constituant ainsi pour ceux qui les mettent en scène un marqueur du rang, entre magnificence et convoitise.

Jean Mesqui, Hervé MouilleboucheJean Mesqui (UMR 6223 CESCM Poitiers)
Hervé Mouillebouche (Mcf HDR université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS).

Les cuisines des châteaux ducaux de Bourgogne au temps des Valois, d’après la comptabilité

 

L’arrivée au pouvoir des Valois dans la seconde moitié du xive siècle fut l’occasion d’une rénovation des communs des châteaux et des palais à mesure des séjours des ducs et de leurs épouses. La comptabilité bourguignonne est d’une grande richesse en renseignements sur les modifications de tous les éléments de confort et d’agrément.
Les cuisines furent des aménagements privilégiés, à la mesure des cours qui fréquentaient ces ensembles résidentiels. Cette conférence vise à mettre en évidence une génération de cuisines antérieures aux réalisations monumentales souvent mises en exergue pour le xve siècle, et d’en analyser les caractères spécifiques.

Etienne LallauÉtienne Lallau (archéologue départemental, docteur en archéologie)

Les cuisines à cheminée de plan centré : évolution d’un modèle depuis les cuisines monastiques romanes aux grands cuisines princières du xve siècle

 

Cl. Marie C. G

La découverte et la fouille récente des grandes cuisines ducales de Louis Ier d’Orléans, à Coucy, a remis en lumière un modèle de cuisines princières encore relativement méconnu et qui ne compte que de rares exemples attestés. Cette famille d’édifices quadrangulaires se caractérise par un grand espace dédié à la cuisson, en plan centré, et doté d’une cheminée et d’une aire de chauffe centrales autour desquelles s’organisent des espaces fonctionnels annexes.
L’aspect monumental de ces édifices et leur agencement général semblent indiquer une nouvelle manière de concevoir la cuisine, en temps qu’édifice fonctionnel mais également symbolique, au tournant des xive et xve siècles.
   Le cas des cuisines de Coucy est l’occasion de faire le point sur cette famille en tentant d’appréhender le fonctionnement de ces édifices, mais aussi de proposer des pistes quant au processus d’émergence de cette formule architecturale qui fera finalement long feu.
 

DIMANCHE 22 OCTOBRE

Chritofer HerrmannChristofer Herrmann (docteur en histoire)

La grande cuisine du palais du grand maître au château teutonique de Marienburg

 

   Lors de la construction du premier Palais du Grand Maître à Marienburg par Luther de Brunswick (1331-1335) fut également construite une grande cuisine avec de nombreux lieux de stockage dans l'aile ouest du château central, dont la structure a été conservée à ce jour. On y remarque également la chambre du « maître de cuisine », un fonctionnaire de l'ordre qui était chargé de superviser les opérations de cuisine. La cuisine est située directement au nord du grand réfectoire, où se déroulaient à la fois les repas quotidiens et les réunions importantes de l’Ordre teutonique (par exemple le Chapitre général). Elle était reliée à cette salle par un passe-plat. Par ailleurs, de nombreuses sources écrites subsistent pour la première moitié du xve siècle (surtout des livres de comptes et des inventaires), qui renseignent sur le personnel, les achats de nourriture et le matériel de cuisine.
Cela donne un aperçu détaillé de la structure et des méthodes de travail de la cuisine du grand maître, qui devait accueillir quotidiennement 100 à 120 chevaliers ainsi que des invités supplémentaires du chef de l'ordre. Par exemple, les achats de vin et de bière, avec mention des variétés et des régions d'origine, peuvent être tracés avec précision. Les énormes quantités de céréales étaient stockées sous les hauts toits de l'aile ouest, et dans la cave à deux niveaux sous l'aile de la cuisine, il y avait suffisamment d'espace pour les tonneaux de bière, de vin et d'hydromel. Les quittances contiennent également de nombreuses références aux couverts et à la vaisselle du grand maître. La conférence donnera un aperçu du fonctionnement et de l'équipement de la cuisine du château de Marienburg à cette époque.

Yann MorelYann Morel (Laboratoire DYPAC, docteur en histoire)

Au seuil de la grande salle : recherches sur la « cuisine du dressoir » dans les résidences des ducs de Bourgogne au xve siècle

   Les festins organisés dans l’entourage des ducs de Bourgogne de la maison de Valois à la fin du Moyen Âge ont contribué au rayonnement culturel de leur cour. Outre la présentation de mets raffinés, ces repas donnaient lieu au déploiement d’un service soigné et codifié faisant intervenir un grand nombre d’officiers, qu’a notamment décrit le maître d’hôtel Olivier de La Marche.
    Dès lors se pose la question de l’ordonnancement même de ce service : quels étaient les serviteurs concernés et leurs rôles, et plus encore dans la perspective de ce colloque, dans quel espace du château il a pu s’organiser en amont de la salle où se prenaient les repas.
  À l’aide de sources archivistiques, en particulier des comptes de travaux, la présente communication se propose d’identifier, de localiser et de décrire une salle spécifique présente dans certaines résidences ducales, la cuisine dite du dressoir, qui a pu jouer un rôle important – et néanmoins peu mis en évidence dans la recherche jusqu’alors – dans le développement du cérémonial de la table à la fin de la période médiévale.
 

Michel FournyMichel Fourny (archéologue ; société royale d’archéologie de Bruxelles)

La cuisine sous la grande salle du palais de Philippe le Bon à Bruxelles

 

  Les cuisines principales qui desservaient le corps de logis de l’ancien palais du Coudenberg à Bruxelles sont uniquement documentées par des fonds d’archives comprenant des plans tardifs qui permettent d’appréhender leur emplacement. Après l’incendie survenu en 1731, les ruines de ces cuisines ont disparu lors de l’aménagement d’une rue et d’un hôtel néoclassique muni de caves profondes.
  En revanche, d’importants vestiges en élévation d’une cuisine subsidiaire - mais néanmoins cruciale - ont été mis à jour dans les années 1990 lors des fouilles de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles. Cette cuisine était intimement associée au fonctionnement de la grande salle monumentale construite pour le duc Philippe le Bon. Désignée sous l’appellation de « groter cokenen » dans les archives de la construction de 1453, elle conserve une part importante de ses équipements d’origine.

Frieder leipoldFrieder Leipold (doctorant, KU Leuven)

À quoi ressemblait une cuisine de château dans les anciens Pays-Bas du xvie siècle ? La cuisine du château d’Arenberg à Heverlee

 

Cl. Marie C. G

 

  L'ancienne cuisine de l’actuel château d’Arenberg à Heverlee (Belgique), rare survivant du xvie siècle, est aujourd'hui utilisée par la KU Leuven comme salle d'enseignement. Bien que sa structure, ainsi que les pièces voisines de l’ensemble, aient été en grande partie préservées, son aménagement d’origine, créé pour Guillaume de Croÿ, premier et grand chambellan de Charles Quint, et son épouse, Marie de Hamal, avant 1519, a été perdu. Exceptionnellement, plusieurs inventaires datant de 1600 environ permettent de restituer son fonctionnement de façon assez précise. Cependant, les illustrations contemporaines ne montrent le château que de l'extérieur. Ici nous tenterons de recréer les conditions quotidiennes dans l'ancienne cuisine du château en comparant les sources visuelles et textuelles. La cuisine n'est pas perçue comme un objet ou espace figé, mais comme un moteur et un catalyseur en mouvement constant et en échange dynamique avec le complexe résidentiel.
  Ce rare cas d’études nous permettra de mieux comprendre l'infrastructure mobile et immobile typique d'une cuisine seigneuriale dans les Pays-Bas à l’aube de la Renaissance, indépendant des reconstructions historisantes en vigueur dans nos châteaux-musées. L’exemple est d’autant plus important à cause du haut rang de Guillaume de Croÿ. En effet, la haute noblesse promue par les ducs de Bourgogne au xve siècle avait joué un rôle de premier ordre en transmettant la culture de cour bourguignonne aux premiers Habsbourg, en particulier à Maximilien Ier, arrivé dans les anciens Pays-Bas en 1477, et ensuite à son fils Philippe le Beau. Il faut donc s’interroger sur le caractère exemplaire des cuisines du château de Heverlee, ainsi que celles – moins bien connues – du palais urbain des Croÿ à Bruxelles, sises en face du palais ducal du Coudenberg.

Alain SalamagneAlain Salamagne (CESR-UMR 7323)

Les lieux pour la bouche dans les châteaux des xve et xvie siècle

 

Cl. Marie C. G

  Habiter dans le château pour un seigneur consistait, à côté de cérémonies complexes et chargées de sens sur le plan symbolique, en une série d’usages au quotidien parmi lesquels ceux tournant autour de la table et des repas étaient essentiels. Ces pratiques sociales nécessitaient des espaces dévolus à l’intérieur du château, accessibles par des parcours et des accès, distincts ou non, de ceux desservant les logis résidentiels. Du xive au xvie siècles, l’agencement des pièces dédiées aux pratiques alimentaires se complexifia : les espaces dévolus furent composés et déterminés en fonction des contraintes imposées par le nombre de repas à assurer pour les membres de l’entourage princier ou pour ceux du commun, les exigences du cérémonial ou la volonté de limiter les nuisances olfactives comme le bruit.
 Quelles relations exactes peut-on établir entre les logis résidentiels et les cuisines ? Comment accéder à ces lieux ? Par quelles galeries, escaliers, couloirs ? De quelle manière, les espaces de cuisines ont-ils été organisés pour répondre à la fois à la complexité du cérémonial et aux prescriptions des ordonnances des Hôtels princiers ? Ces questions seront posées à partir de l’étude d’un ensemble de châteaux des xve et xvie siècles et des sources contemporaines.

Hervé MouilleboucheHervé Mouillebouche (UMR 6298 ArTeHis, université de Bourgogne)

Les espaces culinaires du logis du roi de Dijon aux xviie et xviiie siècles

 

 

Cl. Marie C. G

 Après le rattachement du duché de Bourgogne à la France en 1477, l’hôtel ducal de Dijon devint le siège des gouverneurs de Bourgogne, qui y résidèrent assez régulièrement jusqu’en 1650, puis uniquement lors de la tenue des États, une semaine tous les trois ans, après cette date.
 Leur cour n’avait pourtant rien à envier à celle des ducs Valois, et la vieille cuisine ducale est constamment modernisée pour importer en province les modes culinaires de la cour de Versailles. Les archives des sept gouverneurs de Bourbon-Condé (de 1650 à 1789) livrent des descriptions surprenantes sur l’expansion et la complexité des espaces culinaires princiers à la fin de l’Ancien Régime.

Nicolas FaucherreNicolas Faucherre (UMR 7298 LA3M)

Conclusion

 

 

Cl. Marie C. G